Le cours de l’Or manipulé ?
le 28 mars 2013 par Anthony
C’est un « Goldgate » ? D’après certaines sources du Wall Street Journal en général bien informé comme le Watergate l’avait prouvé, la toute puissante CFTC américaine (pour Commodity Futures Trading Commission) chargée de surveiller et de réguler les marchés à terme, entre autres ceux des matières premières comme le métal jaune, a décidé de vérifier si le prix de l’once d’or établi à Londres est « manipulé »… Après le scandale du LIBOR (le taux d’intérêt interbancaire coté à Londres) qui a défrayé la chronique financière les années passées , voici peut être venir le scandale du Gold London Fix ?
Rappelons que le cours de l’or physique (Spot) est établi officiellement deux fois par jour par cinq banques sur la place de Londres : Barclays, Deutsche Bank, HSBC, Banque de Nouvelle-Écosse et la Société Générale. Compte tenu du faible nombre de participants et du précédent scandale du LIBOR , il ne faudrait pas beaucoup d’imagination pour envisager une entente de ces cinq banques… Reste à voir si cette entente possible existe vraiment, sera démontrée et/ou dénoncée par la CFTC ?
En fait, le métier de cette Commission est de s’occuper du trading des dérivés sur matières premières ; ce qui fait l’objet de beaucoup de polémiques, notamment les produits agricoles pour lesquels il est louable de « limiter la spéculation sur les biens vitaux de l’Homme” comme l’a écrit la sérieuse revue Banque, déjà en 2009… Comment ? Parmi les outils permettant de lutter contre la spéculation, figure la limitation des positions ouvertes par les intervenants, autrement dit la fixation d’un niveau maximum de contrats qu’un intervenant peut détenir au regard du stock physique. Ce qui permet d’atténuer les risques dits de “corner” où un intervenant accumule des gros stocks de matières premières dans des entrepôts et dans le même temps prend des positions sur le marché des produits dérivés de telle sorte à créer un “assèchement du marché” conduisant à une hausse des cours quasi automatique.
Dans le cas de l’Or il s’agirait là de lutter contre la spéculation et cette décision prise auparavant par la CFTC et qui concerne 28 matières premières référencées (dont des produits agricoles, mais aussi énergétiques ou donc des métaux ) s’inscrit dans le cadre des mesures d’application du fameux Dodd Franck Act de juillet 2010 qui donne pouvoir au régulateur américain de fixer de telles limites pour lutter contre la spéculation. Reste que ce mot est ambigu dans sa traduction de l’anglais qui est une langue où il y a au moins deux fois plus de mots pour dire la même chose qu’en français. En l’occurrence, il s’agit du « hedging », qui veut dire couverture de risque d’un producteur de blé, par exemple , contre également par exemple une tornade qui détruirait sa récolte… Mais pour le métal jaune, l’ambiguité vient du fait qu’il y a l’or industriel, certes, mais aussi l’or financier ; ce qui ne correspond pas aux même critères d’appréciation ! On pourrait d’ailleurs envisager pour clarifier, comme en son temps le franc belge commercial et le franc belge financier, une double cotation séparée?
P.S : Un juge américain a semble-t-il déjà bloqué par le passé un texte du régulateur destiné à enrayer la spéculation sur les matières premières, celui-là même dans lequel la CFTC avait imposé aux opérateurs de marché des limites de position sur 28 produits, du pétrole aux métaux en passant par le cacao. Une règle qui devait s’appliquer à partir du 12 octobre dernier. Las, la cour de Washington a estimé un beau week-end que l’agence de régulation des marchés de dérivés avait outrepassé son mandat, en fixant des règles que le Congrès n’avait pas réclamées lors de l’imposante réforme de Wall Street, le Dodd-Frank Act. C’était un coup dur pour la CFTC, qui avait réussi à faire passer ce texte au forceps tout juste un an auparavant. Elle avait dû affronter de vifs débats en interne – l’un de ses commissaires avait même évoqué une “kolossal erreur”…
Auteur : Dominique Thiebaut
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