Les mesures prises pour limiter l’impact du coronavirus sont sans précédent par leur ampleur et leur rapidité. En un peu plus d’un mois, elles dépassent déjà toutes les mesures annoncées en 3 ans lors de la crise financière de 2008.
Dans sa dernière édition du Moniteur des Finances Publiques, publiée le 15 avril, le FMI a fait l’addition : 8 000 milliards. C’est le montant consolidé en dollars des mesures de soutien annoncées par les gouvernements du monde. Une somme faramineuse, encore provisoire, qui inclue environ 3300 milliards de dépenses directes, 1800 milliards de prêts et soutien aux entreprises, et 2700 milliards de garantie de prêts par les Etats. Les déficits budgétaires vont donc atteindre des records en 2020. Aux Etats-Unis, où le déficit 2019 frôlait déjà les 1000 milliards, plus de 2000 milliards de mesures de soutien ont été annoncées, et le déficit devrait avoisiner 15% du PIB. En France, il devrait se situer autour de 9.5% du PIB… Les dettes publiques vont augmenter mécaniquement du montant de ces déficits. Ajoutons à cela l’effet de la contraction du PIB, de parfois 10%, et voilà comment le ratio dette/PIB va croitre de 15 à 20 points dans la plupart des pays développés. Selon le FMI, la dette devrait atteindre 130% de la richesse nationale aux Etats-Unis, 250% au Japon et 115% en France. Une prévision pour l’hexagone en ligne avec celle de François de Villeroy de Galhau, le gouverneur de la banque de France.
Mais en plus d’emprunter pour financer le déficit public, il faudra également emprunter pour refinancer la dette qui arrive à échéance en 2020. Et il y en a beaucoup. En reprenant les chiffres du FMI (1), nous l’estimons à plus de 8000 milliards de dollars pour les pays développés, dont plus des trois quarts pour les seuls Etats-Unis et Japon. Au total, en incluant les déficits publics projetés, les pays avancés devront emprunter plus de 14’000 milliards de dollars cette année… Il n’est donc pas surprenant que le FMI pointe le risque d’une envolé de la charge d’intérêt et des coûts de refinancement. Un point de vue relayé dans une tribune récente aux Echos par Jean Tirole, prix Nobel d’économie en 2014 : « les marchés financiers pourraient perdre confiance dans la valeur des obligations émises par les Etats, faisant planer le risque de crises souveraines. » Un scénario particulièrement plausible en Europe, où les querelles politiques pourrait par exemple poser problème à l’Italie, dont la notation de la dette doit être revue cette semaine, avec le risque qu’elle soit dégradée en terrain « spéculatif », conduisant à des ventes forcées par de nombreux investisseurs.
Toujours selon le FMI, les mesures de financement et de rachats d’actifs annoncées par les banques centrales du monde s’élèvent à 6000 milliards de dollars, un chiffre là aussi provisoire. En clair : 6000 milliards de création monétaire, soit en rachetant des actifs (de la dette publique ou privée) soit en les refinançant. En prenant ces actifs sur leurs bilans, les banques centrales remplacent tout simplement de la dette par de la monnaie dans l’économie. La solution est pratique pour tout le monde : les Etats s’endettent, les banques centrales achètent leur dette en créant de la monnaie, les taux d’intérêt restent bas et on repousse le problème. Cela pourrait même marcher indéfiniment… Mais si l’on n’avait guère confiance dans les dettes des états, pourquoi aurait-on confiance dans la monnaie émise par une banque centrale dont le bilan est bourré de ces mêmes dettes souveraines ? En d’autres termes, dans un monde ou les banques centrales rachètent massivement la dette des états, la question de la valeur des obligations d’état devient celle de la valeur de la monnaie. La plupart des français ont bien conscience que la dette de la France est trop élevée, certains connaissant même son montant (plus de 2000 milliards). Mais combien d’entre eux savent quelle est la masse monétaire en circulation ? (2) Et combien sauraient dire si ce montant est adapté ? (3) Il y a là une certaine opacité assez commode pour tout le monde… La théorie monétaire est complexe, mais il y a un principe simple : la quantité de monnaie en circulation doit être adapté au niveau d’activité économique. Le risque d’une monnaie trop abondante est la perte de valeur de celle-ci par l’inflation. Une inflation qui serait très pratique pour des états qui rembourserait ainsi leurs dettes dans une monnaie dépréciée !
L’or a joué le rôle de monnaie dans le passé, et certains le considèrent encore aujourd’hui comme une monnaie de dernier recours. Le métal jaune n’est en effet la dette ou le passif de personne, et il ne peut pas être « imprimé » ou manipulé. C’est d’ailleurs l’argument principal de la banque d’affaire Bank of America, rapporté par Bloomberg, qui dans une note récente intitulée « La Fed ne peut pas imprimer d’or », relève sa prévision de cours à 18 mois à 3000 dollars l’once. S’il n’est plus utilisé comme moyen de paiement aujourd’hui, ni comme unité de compte, c’est donc bien la fonction de réserve de valeur qui séduit les investisseurs (qui suivent le cours de l’or de près), afin de se protéger contre la perte de valeur de la monnaie. On dit que dans la Rome antique, une once d’or permettait d’acheter une toge raffinée, une paire de sandales de qualité et une ceinture faite main. Aujourd’hui, une once d’or permet encore d’acheter un costume raffiné, une paire de chaussure de qualité et une ceinture de marque. Voilà bien toute l’histoire de l’or : il maintient sa valeur dans le temps, et même dans le temps très long.
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