La crise politique…
Le Liban s’enfonce chaque jour un peu plus dans une crise politique d’envergure. Le gouvernement de Saad Hariri a démissionné sous la pression de manifestations gigantesques. L’étincelle a été le projet de taxe sur les communications numériques de type whatsapp, très utilisée par les libanais. Mais les causes plus profondes de la colère résident dans une économie en déliquescence, des coupures d’électricité, des prix qui grimpent et une classe politique déficiente. Une situation accentuée par la guerre en Syrie voisine et l’afflux depuis 2011 de plus d’un million de réfugiés…
…et financière
La situation financière du pays est dramatique. Avec une dette de 86 milliards de dollars, le pays est le 3ème pays le plus endetté du monde par rapport à son PIB : 155%. Le déficit public devrait lui se monter à 11% du PIB en 2019. Après Moodys en début de mois, le 15 novembre, l’agence de rating S&P a dégradé la note souveraine du pays à CCC, un des niveaux les plus bas… Si le pays a remboursé une échéance récente de 1.5 milliards de dollars, les obligations gouvernementales à plus longue échéance ont perdu la moitié de leur valeur, signe que le marché s’attend à un défaut du pays…
Les banques limitent les retraits
Ceci n’est pas sans répercussion sur le système bancaire du pays. Les banques libanaises étant très exposées aux obligations du pays, les ratings des 3 principales banques du pays (Audi, Blom Bank, et Bankmed) ont été encore abaissées par les principales agences. Leurs obligations étaient déjà qualifiées de « pourries » (junk bonds).
Les banques, qui ont déjà fermé quinze jours fin octobre, ont annoncé des mesures de contrôle des capitaux. Les retraits sont ainsi limités à 1000 dollars par jour, et les transferts à l’étranger sont fortement restreints. La crise de confiance est d’autant plus exacerbée que le gouverneur de la banque centrale dément l’instauration de mesures de contrôles des capitaux et maintient un cours de la livre libanaise contre dollar artificiellement élevé, auquel personne ne croit. Il est donc hautement probable que ces contrôles des retraits se poursuivent, voire s’accentuent.
Le précédent de Chypre
Tout comme le Liban, la crise chypriote avait commencé par une dégradation des notations de la dette du pays en mars 2012. Un an plus tard, après avoir fermé les banques pendant quinze jours, le pays mettait en place un contrôle drastique des capitaux, limitait les retraits, et sous l’égide du FMI et des prêteurs internationaux, mettait en place une taxe exceptionnelle sur les dépôts bancaires de 6.75%. Au-delà de 100’000 euros, les épargnants chypriote ont vu une part importante de leurs avoirs affectés.
L’or comme refuge
Il est difficile de savoir quelles seront les conséquences sur les branches françaises des banques libanaises, qui sont à la fois liées à leurs maisons mères, mais également sous le contrôle sérieux du régulateur européen. Néanmoins, au Comptoir National de l’Or, nous constatons depuis quelques semaines un regain important d’activité, sous la forme d’achats significatifs de métal jaune de la part d’une clientèle libanaise parisienne qui s’inquiète ouvertement de la situation et souhaite investir dans l’or comme valeur refuge. Des dizaines de transactions y ont lieu chaque jour.
L’autre phénomène intéressant est la hausse impressionnante des exportations d’or du Liban vers la Suisse, un pays traditionnellement connu pour stocker, mais aussi raffiner l’or. Les données libanaises sont rares et peu fiables, mais pas celles des douanes suisse… Selon la base de données Impex de la confédération, la suisse importe du Liban (c’est-à-dire le Liban exporte vers la suisse) exporte depuis juin 2019 environ 2.8 tonnes d’or par mois, alors qu’en 2018, la moyenne mensuelle s’élevait à 200 kilos, 14 fois moins…
En clair l’or quitte le pays. Ce phénomène peut s’expliquer de plusieurs manières : soit l’or est de plus en plus utilisé dans les échanges (ou vendu pour récupérer des devises) et il est expédié en Suisse pour raffinage car la confédération compte sur son sol les plus gros raffineurs mondiaux. L’autre explication est moins réjouissante : les stocks privés d’or sont exportés et mis à l’abris…
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