Cette théorie, qui prophétise le pic, puis le déclin de la production d’or, gagne en popularité depuis plusieurs années. Une vision positive pour le cours de l’or à long terme. Dans un article récent intitulé « Le monde manquera-t-il d’or avant de manquer de pétrole ? », nous indiquions que les réserves mondiales d’or encore enfouies sous terre correspondaient à environ 16 années de production au rythme actuel. Un chiffre qui en a surpris beaucoup, à en juger par l’intérêt qu’a suscité l’information…
Cette situation est pourtant bien connue des experts de l’or, et tout particulièrement des partisans de la théorie du Peak Gold. Pour eux, la production minière d’or aurait atteint – ou atteindra bientôt – un pic, et serait condamnée à décliner, en raison de l’absence de découvertes majeures et de l’épuisement des gisements. Cette théorie n’est pas nouvelle et gagne en popularité ces dernières années : d’abord annoncé par Goldman Sachs en 2015, le thème a été relayé par Randall Oliphant, le président du prestigieux World Gold Council en 2017. Plus récemment, c’est Ian Tefler, le PDG fondateur de Goldcorp (maintenant 1er producteur mondial après la fusion avec Newmont) qui a ravivé le sujet dans une interview de mai 2018. « Nous sommes au peak gold » a-t-il déclaré au Financial Post. « soit [la production] commence à baisser cette année, soit l’année prochaine, ou alors elle est déjà en train de baisser… »
A première vue, les chiffres semblent leur donner tort. Selon le World Gold Council la production minière mondiale a augmenté de 0.8% l’année dernière. Si 2018 est une année record de production, c’est cependant la plus faible progression depuis 10 ans, signe d’un essoufflement. D’autres signes commencent à s’accumuler. Ainsi, la production américaine a reculé en 2018, atteignant son plus bas niveau depuis 1991, date à laquelle on dispose des premiers chiffres. La production chinoise connait une situation similaire, avec un recul de 6% en 2018 en raison de normes environnementales plus strictes. Ce phénomène touche également les sociétés minières : Barrick, désormais second producteur mondial, a vu sa production chuter de 15% l’année dernière…
C’est le constat de la plupart des experts : les découvertes de méga-gisements appartiennent au passé et il n’y a plus d’or « facile » à trouver. « Est-ce qu’on ne le cherche pas ? Sommes-nous mauvais pour le trouver ? L’avons-nous tout trouvé ? Ma réponse est que nous l’avons tout trouvé. A 1300 dollars l’once d’or, je ne pense pas qu’il reste des gisements, en tout cas rien de significatif. Et c’est ce que montrent les résultats d’exploration » déclarait Tefler au Financial Post. En effet, dans les années 90, il y avait en moyenne 13 découvertes significatives par an. Dans les années 2000, le chiffre tombe à 9. Depuis 2010, c’est moins de 2 découvertes significatives par an. Les dernières ayant le potentiel de dépasser les 5 millions d’onces (155 tonnes) sont celles de Bruce Jack au Canada (8.7 millions d’onces, 2008), Coté (Ontario, 4.6 millions d’onces, 2010) et de Haiyu en Chine (16.4 million d’onces, 2011). Cette raréfaction des découvertes significatives est inquiétante, surtout lorsque l’on sait que les budgets d’exploration sont globalement à des niveaux élevés. Enfin, il est probable que les gisements importants restant à découvrir se situent désormais dans des régions politiquement plus instables, ou moins propices à l’investissement.
Les détracteurs de la théorie du peak gold évoquent souvent le parallèle avec le secteur pétrolier. Longtemps annoncé, le Peak Oil ne s’est pas produit en raison du boom des pétroles de schistes aux Etats-Unis, permis par des technologies de forages innovantes. Une telle révolution technologique est-elle possible pour l’or ? C’est peu probable, car le processus d’extraction ne change pas : les plus grosses concentrations actuelles étant d’une dizaine de grammes par tonne, il faudra toujours extraire des milliers de tonnes d’agrégats pour les traiter, ce qui rend beaucoup de petits gisements non rentables. Néanmoins, le digital et l’intelligence artificielle pourraient contribuer à une exploration plus efficace. Ainsi Goldcorp (maintenant absorbé par Newmont), a récemment noué un partenariat avec IBM et sa solution Watson, pour analyser des données géologiques avec ses algorithmes. Enfin, les équipements et véhicules autonomes se développent sur les sites miniers. Fin 2018, plusieurs essais étaient en cours, notamment par Caterpillar. Mais on est encore loin de la mine autonome…
Il faut 15 à 20 ans entre les premières découvertes de gisements et le début de l’exploitation d’une mine aurifère, un long délai du aux processus d’études et d’autorisations. Selon certains analystes, l’absence de découverte majeures ces dernières années pourrait donc sérieusement se faire sentir dans une dizaine d’année. C’est donc une bonne nouvelle à long terme pour le cours de l’or : une production qui ne pourrait répondre à un accroissement de la demande conduirait en toute logique à une hausse des cours. D’autant que tout indique que la demande d’or va rester ferme dans les années à venir. Un argument de plus, s’il en fallait, pour l’or comme investissement de long-terme
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