Dans une projection datant de 2016, la Banque du Japon (BoJ) estime que la dette publique devrait atteindre 600 % à l’horizon 2060. Ce niveau d’endettement n’est pas pour autant un sujet d’inquiétude pour le ministère des Finances, ce en grande partie en raison de l’origine des créanciers. Il faut savoir que si 60 % de la dette publique française est aux mains d’étrangers, cette part ne représente que 6,7 % au Japon. La banque centrale finance en effet 37 % de la dette, les institutions financières 25 %, les assureurs locaux sont présents à hauteur de 22 %, environ 10 % se répartissant sur de petits porteurs. Le Japon est ainsi à l’abri d’une fuite des capitaux étrangers dans l’hypothèse d’une incapacité à rembourser la dette. Depuis 2016, la déflation du Yen imposée par le Premier ministre Shinzo Abe et la baisse de rendement des obligations ne sont pas sans créer le doute dans l’esprit de nombreux japonais. Voir notre article précédent sur l’explosion de la demande japonaise pour le métal jaune.
L’instauration de taux négatifs faisant craindre que cette tendance touche à terme leur épargne personnelle, une partie de la population nippone se tourne logiquement vers le métal jaune. Historiquement peu demandeurs d’or physique, de plus en plus de Japonais préfèrent acheter des coffres-forts pour y stocker leurs économies composées d’or et de liasses de billets. En 5 ans, l’or a ainsi progressé de plus de 43 % sur un marché local nettement plus actif que par le passé. Cet engouement pour l’or n’est évidemment pas du goût du gouvernement et de la banque centrale. Pour certains Japonais, la confiance dans le marché des actions faiblit, certains se souvenant encore de la débâcle des années 90 conduisant de nombreuses familles à la ruine.
Lire également l’article sur l’intérêt du Japon pour l’achat d’or.
D’après les rapports des douanes japonaises, le nombre de cargaisons d’or frauduleux est passé de moins d’une dizaine en 2014 pour atteindre 2094 en 2016. Souvent associés aux triades chinoises, les yakusas (dans les deux cas des mafias) profitent de cet engouement des Japonais pour l’or. De son côté, le gouvernement tente d’enrayer cette contrebande à coups de mesures visant à inciter les ventes légales d’or. En 2014, la taxe sur les biens et services est par exemple passée de 5 à 8 %, mais peut être récupérée à condition de passer par l’intermédiaire de magasins spécialisés.
Comme celle américaine, la dette japonaise ne semble pas inquiéter les institutions financières mondiales. Des signes de plus en plus nombreux démontrent qu’il en est tout autrement de la population en proie au doute sur l’avenir de son économie. Dans l’immédiat, le gouvernement japonais tente de canaliser ces inquiétudes par une politique accommodante à l’égard de son secteur bancaire. Il en est ainsi des obligations d’État, qui bien qu’elles ne rapportent rien, ne sont pas inscrites dans la liste des actifs à risque. Cet artifice comptable permet de cette manière de les apporter en garantie sur de nouveaux emprunts. Combien de temps dureront ces situations ubuesques ? Sans doute jusqu’au prochain naufrage financier, une fois de plus supporté par les populations.
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