Brexit, Trump et Corée du Nord : l’or et le risque Géopolitique en 3 exemples
L’or est souvent considéré comme un actif refuge contre le risque politique et géopolitique. Qu’en est-il dans les faits ? 3 événements majeurs récents nous donnent des clés de lecture. Montée du protectionnisme, des nationalismes, hausse des budgets militaires, tensions ethniques et religieuses, course aux matières premières, faiblesse des organisations internationales, corruption, attentats, volatilité des opinions publiques, etc. Une longue liste (non exhaustive) de facteurs qui menacent la stabilité de régions déjà fragiles politiquement (mer de Chine, péninsule coréenne, Afrique, golfe persique, Asie centrale, Ukraine, Syrie, Lybie, Venezuela, etc), mais également de pays plus matures. Ces risques sont d’ordinaire assez bien anticipés par les marchés, et celui de l’or en particulier. Sans pour autant prétendre pouvoir anticiper les choses, 4 questions simples permettent de mieux cerner l’impact potentiel d’un risque (géo)politique sur le cours de l’or :
- Le risque ou l’événement est-il une surprise (un changement de paradigme) ?
- Des scénarii clairs liés à cet événement existent t’ils ?
- Y-a-t-il un risque d’effondrement économique significatif ?
- Ce risque peut-il se propager (ou bien est-il contenu géographiquement) ?
C’est sous cet angle que nous examinons 3 événements géopolitiques récents qui ont eu des conséquences différentes sur le cours de l’or.
L’or et le Brexit
Le 23 juin 2016, le referendum organisé au Royaume-Uni donne un résultat inattendu : le Brexit. Véritable surprise, les scénarii manquent et les spéculations courent : effondrement économique du Royaume-Uni, risque de sortie d’autres pays de l’UE et propagation du risque. Le lendemain, le cours de l’or en dollar progresse de plus de 4%. Plus intéressant, ce même jour, son cours en livres sterling progresse de plus de 13%, suite à un effondrement de la monnaie britannique. Le cours de l’or en euros, lui, gagne plus de 7% en raison d’une baisse de la monnaie Européenne face au billet vert, sur fond de crainte de dislocation du bloc. Plus d’un an plus tard, le risque de dislocation s’est atténué, les mouvements souverainistes n’obtenant pas de majorités aux élections françaises et hollandaises. Inversement, les craintes d’un Brexit chaotique pour l’économie britannique sont toujours prégnantes. La livre reste faible et les taux d’intérêts anglais très bas par rapport aux fondamentaux. Un an après, au 23 juin 2017, le cours de l’or en livre sterling est toujours en hausse de 15%, alors que le cours en euro affiche une progression de seulement 1%. L’acheteur britannique a donc trouvé dans l’or un bon refuge.
L’or et l’élection de Donald Trump
A la surprise générale, le 9 novembre 2016, Donald Trump est élu président des Etats-Unis. Dès les résultat connus tôt dans la nuit, l’or bondit pendant quelques heures de plus de 5%, avant d’effacer ses gains en fin de journée. L’effet de surprise passé, les analystes se sont concentrés sur le scenario probable, connu, celui de la mise en œuvre du programme du nouveau président (baisse d’impôts, dépenses d’infrastructure, etc). Beaucoup se sont focalisé sur le risque inflationniste d’un tel programme et ont négligé les possibilités d’amélioration de l’activité américaine. La perspective d’une économie plus florissante présageant en général d’une politique monétaire moins accommodante, les taux d’intérêts (réels et nominaux) ont fortement progressé, et le billet vert s’est renforcé. Ces deux facteurs sont traditionnellement défavorables à l’or. (lien sur papier or et taux réels). Dans le mois qui suit, le cours de l’or en dollar s’enfonce d’environ 10%, allant à l’encontre de la plupart des pronostics.
L’or et le dossier Nord-Coréen
Dossier latent depuis des décennies (dont Le Monde fournit un résumé ici), les tensions sur le programme nucléaire Nord-Coréen prennent une dimension nouvelle le 4 juillet 2017 (jour de la fête nationale américaine) lorsque la Corée du Nord effectue son premier essai de missile intercontinental. A mesure que les commentaires inquiétants des deux leaders s’enchainent dans les jours et semaines qui suivent, le spectre d’un conflit nucléaire devient une menace sérieuse. Vrai changement de paradigme, la situation plonge le monde dans un inconnu aux ramifications planétaires, et aux conséquences économiques potentiellement désastreuses. Deux mois après ce tir, le cours de l’or en dollar progresse de plus de 10%. Il est à noter toutefois que, sauf nouveau franchissement de ligne rouge, le marché (y compris celui de l’or) pourrait s’habituer à cette situation de tension et réagir de moins en moins aux provocations, à mesure que l’effet « surprise » s’atténue.
Une protection contre le risque politique ? dans une certaine mesure seulement.
En règle générale, l’impact d’un événement (géo)politique sur le cours de l’or est d’autant plus grand qu’il s’agit d’une surprise, qu’il n’existe pas de scénarios clairs, qu’il a des conséquences économiques potentiellement graves, et globales. Pour résumer nos 3 exemples : D’autres exemples, plus anciens, peuvent également s’inscrire dans ce cadre (cf notes ci-dessous). La perception de l’or comme refuge contre le risque politique apparait donc justifiée. Mais elle est probablement exagérée. Gardons en tête qu’au cours des 10 dernières années, les variations quotidiennes du cours de l’or de plus de 5%, à la hausse comme à la baisse, sont toutes le résultat de phénomènes économiques ou monétaires, et non pas géopolitiques. Notes : — L’annexion de la Crimée par la Russie a surpris, mais le scénario relativement clair : une vive protestation de la communauté internationale, c’est tout. Le risque était limité géographiquement et faible d’un point de vue économique. L’or n’a bougé que de quelques pourcents. — En Décembre 2014, le processus électoral grec devient chaotique en pleine crise de la dette souveraine. Des élections surprises sont annoncées pour la fin Janvier et les prêteurs coupent leurs aides au pays. Surprise ? en partie oui. Scénarios clairs ? non. Impact potentiellement important et risque de propagation à l’Europe ? deux fois oui. Une situation qui se traduit par une hausse de l’or de 12% en EUR et de presque 5 % en USD au mois de janvier 2015. — L’invasion du Koweït par l’Irak en aout 1990 était une surprise, mais pas l’entrée en guerre des états unis 7 mois plus tard. Dans le premier cas, l’or s’est apprécié, et il a baissé significativement dès que l’incertitude s’est envolée, avec les premières frappes américaines. Un scénario similaire s’est produit pour la deuxième guerre du golfe, où l’or a atteint son plus haut le 5 février 2003, jour du fameux discours de Colin Powell aux Nations Unies, discours qui entérinait de facto l’entrée en guerre Etats-Unis pourtant officialisée plus d’un mois plus tard.
Retour